Il est des moments où la pensée s`arrête pour laisser place à la sensation toute entière. Ce que l`ont perçoit semble tellement inaltéré et spontané, riche et authentique, complexe et limpide que le connu devient l`inexploité et que la vie se manifeste dans une expérience simple, pure et sans voiles. Les sens se redécouvrent en goûtant au bonheur de leur transformation, l`esprit retrouve la liberté joyeuse de l`enfance et, toutes les protections étant devenues inutiles, l`âme réeprouve enfin l`émotion innocente de se savoir aussi grande et belle que le monde qui l`entoure. Voilà ce qui m`est arrivé le jour où j`ai décidé de quitter la route qui faisait une grande boucle pour couper à travers champs. Je me suis dirigé à la boussole mais j`aurais perdu un temps considérable si les paysans, rencontrés toutes les demi-heure, ne m`avaient pas aidé. J`ai découvert des villages isolés, desservis seulement par des petits chemins de terre, et où les gens ne circulent qu`à cheval, à bicyclette ou à pied. La surprise et l`agitation accompagnait toujours mon approche; la stupeur, les sourires et les exclamations, particulièrement des enfants, escortaient ma marche. Gentiment, une personne me conduisait à l`autre bout du village pour me montrer la direction à suivre car, dans l`entrelac des ruelles de terre, il était impossible de savoir par où passer. Il y avait d`ailleurs souvent conciliabule pour savoir s`il valait mieux prendre ce chemin ou cet autre pour traverser le village. Dans l`un deux, il y avait un poste de police et je fus accompagné par un policier disant à la foule qui me suivait de s`éloigner pour ne pas me déranger, ce qui me désolait. La campagne baignait dans la blondeur des champs de sénevés déployés dans l`infini des yeux, le soleil s`admirait aux reflets des étangs, les chants des oiseaux caressaient le vent et les singes narguaient cet homme blanc qui passait. Je n`ai jamais été autant émerveillé de la couleur des oiseaux. Certains ont des couleurs presque fluorescentes : c`est vraiment extraordinaire ! D`autres, de drôles de grandes houpettes sur la tête. Je crois que les souvenirs que je garderai le plus longtemps et le plus agréablement en mémoire sont les expression de ces groupes d`enfants qui m`entourent lorsque je m`assois quelque part. Il y a un mélange de curiosité, d`hébétude, d`incompréhension, d`agitation, d`attente, de joie et de crainte. Le fait qu`il y ait également de la défiance m`est apparu lorsqu`après avoir proposé plusieurs fois les gâteaux que j`étais en train de manger aux enfants qui les refusaient, un des pères, sachant comme moi qu`ils n`osaient pas accepter, à poussé son garçon vers moi et il s`est mis à crier. Le père l`a pris dans ses bras pour l`approcher de moi mais manifestement ce garçon de dix ans avait peur de moi. C`était pourtant celui qui était le plus intéressé, le plus proche de moi et qui me posait plein de questions en hindi. Lorsque je repris la route, il m`accompagna pourtant tout joyeux pendant deux kilomètres. J`ai assisté à une puja très envoûtante dans un grand temple au bord du Gange : je l`appelle la puja des cloches. Pendant un quart d`heure, chaque participants agite une des cloches accrochée à un grand cylindre de cuivre et le prêtre fait de même dans le sanctuaire de la déesse. Parce que cela dure très longtemps, qu`il y a beaucoup de cloches et que les sonorités sont variées mais non discordantes cela est captivant.
Je suis maintenant à Patna, la capitale du Bihar, une des plus vielles cités de l`Inde mais dont il ne reste rien de son glorieux passé. Hormis, parait il, un très beau musée comprenant des sculptures, des bronzes et des peintures allant du – 3ème siècle au 12ème siècle. Je vais profiter maintenant d`une période de repos dont j`ai vraiment besoin et je vais aller voir les importants sites bouddhistes de la région de Patna. Je vous souhaite à tous une très bonne année 2013 et une très bonne fête du réveillon que je vais pour ma part passer dans un monastère bouddhiste.
BONNE ANNEE 2013