Avant toute chose, il y a eu la beauté de l`Afghanistan ! Comme resteront en ma mémoire ces survols des Andes, du Sahara, du Nil, de l`Amazone ou du Mékong, je me souviendrai longtemps de la fascination qu`ont exercée sur moi les territoires arides et sauvages de ce pays tribal. Nous goûtions au spectacle d`espaces indomptés et illimités, sans ville et sans végétation ; il y avait à perte de vue un relief accidenté déplié dans l`immense, des montagnes aiguisées à l`aspect de terre cuite. Parfois, comme oubliées là, quelques maisons de pierre, semblant sorties de royaumes anciens destinés à être oubliés par les siècles, défiaient l`hostilité du biotope. Aucune route visible n`y menait : il semble qu`il y ait sur terre des lieux que la technologie n`a pas encore atteints.
Dans l`avion, il y avait à ma gauche deux femmes d`une cinquantaine d`années qui se rendaient en Inde, attirées par la méditation intérieure que proposent les ashrams ; à ma droite cinq jeunes, d`à peu près vingt-cinq ans, s`aventuraient vers les belles et exotiques plages de Goa, attirés par les fêtes électroniques dans les paysages grandioses et par la spiritualité assaisonnée de haschisch. L`Inde sait rendre la spiritualité ludique et cela vaut sans doute pour moi aussi.
Après une escale de quatre heures à Delhi, où l`on m`annonçait que le transfert de mon sac vers Kolkata n`allait pas se faire, qu`il fallait que je le retire, puis qu`il était en fait perdu, puis retrouvé… j`ai pris beaucoup de plaisir à effectuer le vol intérieur Delhi – Kolkata, étant le seul non indien dans l`avion. Ca y est, j`y étais, j`allais être plongé six mois en Inde, mon plus long séjour jamais effectué dans un pays. J`aurais le temps de tenter d`approfondir… Avant d`atterrir, je vois un fleuve qui semble être le Hooghly, l`un des bras du Gange qui contribue à former le plus grand delta du monde, et je me dis que l`entreprise est osée. En effet, à ma grande surprise, non seulement il n`y a pas de route ou de chemin à proximité du fleuve (c`était envisagé) mais tous les champs alentour sont inondés et les environs ressemblent à un immense marécage. Le fleuve, pourtant peu large, déborde-t-il ? A-t-il tant plu que cela ? Ce n`est pourtant pas la mousson ! Dans cette pataugeoire, trouver mon chemin sera difficile !
Il y a toujours une certaine élégance en Inde malgré la pauvreté : le taxi déglingué qui m`amène à mon hôtel est un beau véhicule blanc de la marque Ambassador : je me sens comme un prince. Le chauffeur me commente les illuminations installées sur chaque maison pour la fête Diwali.
Ce n`est que ce matin que je ressens vraiment le contraste avec la France : bien que peu téméraire et ayant demandé un petit déjeuner américain, je me retrouve avec une omelette pleine de petits poivrons rouges et verts ! Autant s`habituer aux épices dès le matin, non ? Lumière éclatante en sortant de l`hôtel et un bon 28 degrés à 11 heures du matin. J`ai hésité à retourner chercher mes lunettes de soleil et j`ai relevé mes manches de chemise. J`ai quitté Paris avec un petit 6 degrés, l`hiver commençant à s`installer. Allez, cette fois : à moi Kolkata ! Il ne faut jamais faire attendre une femme que l`on veut conquérir !