Les autorités indiennes ont finalement décidé d’ouvrir le parc donnant accès à la source du Gange le jour de l’Ashaya-Tritya, lors de la réouverture annuelle du temple de Gangotri qui est dédié à la déesse Ganga, à 18 km de la source de Gaumukh. L’Ashaya-Tritya est un des jours de très bon augure de l’année indienne, le jour où Ganesh, le dieu de la sagesse et de la suppression des obstacles, commença l’écriture du Mahabharata racontant l’épopée des Bharata, les ancêtres, selon la légende, du peuple indien. Comme toutes les dates religieuses hindoues, cette fête est calculée selon le calendrier lunaire et tombe cette année, le 13 mai, plus tard que d'habitude.
Mon visa s’arrêtant le 1er mai, je suis contraint d’arrêter mon aventure à 18 km de mon objectif. Je suis donc parti trop tôt pour acceder à la source mais j’ai commencé mon pèlerinage en novembre pour être à temps à la grande kumbh mela d’Allahabad et je croyais pouvoir accéder à la source fin avril. Il semblerait que je n’ai pas assez touché de museaux de vaches durant mon voyage puisque la Mère universelle qu’elle représente, la kali mata, ne m’aura pas favorisée pour embrasser sa réalité spirituelle, Gaumukh voulant dire : « le museau de la vache ». Il existe toute une iconographie de la vache en Inde car elle concentre de nombreux symboles, comme le montre cette affiche que j’ai vue à Allahabad.
Je me trouve donc bloqué, après un parcours de 2400 km le long du Gange et il me faudra revenir pour faire le pèlerinage des sources sacrées : Gangotri, Badrinath, Kedarnath et Yamunotri (voir carte).
L’Inde m’a fasciné et si j’ai parfois trouvé le contact brutal avec ce monde qui, bien que lumineux et généreux, peut-être aussi éprouvant et brusque, son peuple m’a toujours énormément séduit et réjouit. Avant toute chose, pour le voyageur à pied que j’étais, il était particulièrement appréciable de cheminer dans un pays sans danger excessif car si le vol est possible, l’agression physique violente est peu probable. Même dans la région du Bihar, considérée comme la plus dangereuse d’Inde, je n’ai eu que des problèmes mineurs. Merci à l’Inde pour cela et il est certain que cela est dû au fait que c’est un pays éminemment religieux. Par ailleurs, les indiens possèdent un grand sens de l’accueil combiné à une fascination de l’étranger et cela a rendu mon voyage magique. Les relations entre les individus sont très chaleureuses et fortes et j’ai reçu beaucoup de preuves d’amitié et de solidarité. Merci à l’Inde pour cette fraternité ! Dans le très intéressant numéro du magazine l’Express consacré à l’Inde, l’indianiste Michel Angot présentait ainsi une des différences entre nos deux civilisations : « En Occident, on voit des individus forts avec des relations faibles ; l'Inde est faite d'individus faibles liés par des relations fortes. » (Pour ceux qui s’intéressent à l’Inde, je conseille fortement la lecture de cet article : http://www.lexpress.fr/actualite/monde/asie/michel-angot-il-n-y-a-jamais-eu-l-inde-mais-des-indes_1204727.html)
Mon voyage s’achève et ce fut passionnant. Aller à la rencontre d’un pays et d’une population à l’aide de ses seuls moyens naturels est une philosophie de vie, un approfondissement de soi et la possibilité de vivre de fortes expériences humaines.
Merci à l’Inde pour ce cadeau et à bientôt Hindoustan !