Après en avoir été privé tout le long de la frontiere du Bengladesh et malgré une course poursuite manquée d`un soir : je longe maintenant quotidiennement le Gange et il est immense. Arrivé un peu plus tot que prevu à mon étape du soir après 32 km de marche, je décidais de pousser un peu pour voir le Gange qui était à 10 km de là. Seulement mon calcul, et je pense également un peu ma carte, n`étaient pas tout à fait exactes. Après 450 km depuis Ganga Sagar où je suivais ses progénitures, faites de larges fleuves partants dans toute les directions, j`avais très envie de le voir, le VRAI, le but de mon voyage… et je me suis tuer les cuisses. Fonçant pour voir le Gange avant que la nuit tombe, j`ai fait les 10 km supplémentaires en une heure et demi, sans pause et après une journée de marche. A l`arrivée, la distance était plus grande que prévue, et surtout des routes partaient dans toutes les directions, et j`ai manqué ma cible, tout en gagnant une légère tendinite. Le lendemain matin, j`ai pu traverser le fleuve et me rendre compte de sa largeur à un des endroits où il est pourtant le moins large dans la région. J`ai mis 25 mn à la vitesse de 6 km/h pour traverser le pont, gardé tous les 300 mètres par un militaire. Depuis ce jour, je longe souvent le fleuve sacré et l`on voit rarement l`autre rive. Parfois, on croit la voir mais ce sont en fait des îles. Certaines font 5 ou 7 kms de large et 10 ou 15 km de long. C`est impressionnant et on à parfois l`impression d`être au bord de la mer. Parfois, je marche sur ses larges rives de sable.
J`ai quitté depuis trois jours le region du West Bengal et suis maintenant dans le Jharkhand. Les paysages ont légèrement changés, les tons sont plus bruns, il y a un peu moins de cultures et plus de végétations et il y a quelques collines de temps en temps, alors que les seules dénivelées que j`ai connu au Bengale étaient les ralentisseurs routiers. La psychologie des indiens a également changée : ils ne viennent plus incessamment me voir et ils ont le visage plus fermé quand je les croise. La région est plus pauvre et les infrastructures, qui sont un excellent indice de développement, le montrent bien : leur état est épouvantable. J`ai cru au début que je m`étais trompé de route car ce qui sur ma carte est une route de gros traffic (ressemblant dans les faits à une nationale francaise) est un chemin en terre. Il est parfois un peu goudronné mais cela a été fait il y a si longtemps qu`il n`y a plus que la moitié de la chaussé et des trous partout. L`avantage, c`est qu`il y a également peu de circulation, tous les camions passant au nord du Gange. Il y a aussi moins d`eclairage public dans les villes.
Cela m`amuse assez de voir que je n`arrive jamais à ce qu`un passant me lise un panneau routier en bengali ou en hindi. J`ai beau souligner avec mon baton le nom, faire le signe de parler, m`y prendre à plusieurs fois, ils ne comprennent pas que je ne sais pas lire l`inscription et me disent : c`est par là. Merci ! Seuls les enfants comprennent et me lisent le nom.
J`ai été attaqué par un singe. Je trouvais très amusant sur cette route de campagne en terre rouge de voir un singe bondissant entre les voitures, les motos et les vélos. Je me suis mis à le filmer et arrive à son endroit, il s`est mis à me foncer dessus. J`ai eu beau lever mon baton et gueuler : rien à faire. Il n`avait pas peur du tout. Alors, je me suis réfugié près d`une moto qui s`arrêtait. Les indiens on été supers gentils. Ils m`aidaient, lançaient des pierres au singe mais rien à faire, ce singe m`avait pris pour cible. Alors, un homme s`est mis à lui foncer dessus avec son tracteur. C'était incroyable, le tracteur zigzaguait pour poursuivre le singe et celui ci bondissait tel un marsupilami, s`aidant des troncs des arbres pour prendre appui et rebondir. Cela a beaucoup éloigné le singe mais celui ci m`attendait et arrivé près de lui, il recommençait. Finalement, un homme l`a amadoué avec de la nouriture. Le singe est resté près de lui et me décidant à le dépasser, je le vis regarder la nourriture, me regarder; regarder la nourriture, me regarder; et finalement choisir la nourriture.
Mes longues journées de marche se font dans des zones très rurales et bien pauvres. J`ai cessé de prendre des photos et de filmer car il y a quelque chose d`indécent à sortir un materiel représentant plus d`une année de salaire des personnes que je croise, meme si ce n`est pas pour prendre ces gens en photo. Cela évite aussi la convoitise car j`avoue que je ne suis pas toujours très rassuré en voyant les expressions de certains paysans me regardant passer avec mon gros sac.
J`avance bien et suis maintenant à Sahibganj (mes premiers 500 km à pied), une grande ville sur le Gange qui ressemble, en exagérant un petit peu, à un énorme bidonville. Elle fait partie des 640 villes d`Inde recevant des fonds du Backward Regions Grant Fund Program. Je serais demain au Bihar, une des regions les plus pauvres d`Inde et à force de marcher dans des zones inconnues et pauvres, perpétuellement en face d`étrangers dont j`essaye d`interpreter les intentions; je me sens tout petit car vulnérable et un peu perdu dans l`immense, l`inhabituel, l`inattendu, l`indéfini et le caché que je dois dévoiler. J`arbore maintenant en marchant un perpetuel sourire pour dire à ces visages souvent fermés qu`il faut être gentil. Ce n`est d`ailleurs pas toujours facile de garder ce sourire avec la fatigue qui s`accumule mais cela est j`imagine un des apprentissage de cette longe marche.